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Pas d’arrêt pour la gestion des bordures de rue

Du stationnement et des arrêts de transport en commun aux terrasses des restaurants et aux commerces en plein air, la demande d’espace en bordure de rue est élevée. Les villes sont de plus en plus appelées à gérer cet espace de manière à répondre à cette demande, en permettant différents usages adaptés à différents besoins. Cependant, bien que cette gestion soit complexe, la technologie qui la rend possible existe, et de nombreuses villes sont déjà à mettre en œuvre leurs propres initiatives.

L’humidité était étouffante en cette journée d’été 2007. J’étais livreur à l’époque, et je faisais une livraison à un complexe de bureaux de faible hauteur dans l’ouest du centre-ville de Toronto. Ayant déjà fait cette livraison, je savais que je pouvais déposer la commande en moins de trois minutes. Toutes les places de stationnement avec parcomètre étaient occupées et étaient flanquées de deux zones de stationnement interdit, chacune étant occupée par un camion de livraison.

Divers règlements municipaux au Canada stipulent que les livreurs peuvent se stationner temporairement dans une zone de stationnement interdit pendant qu’ils effectuent une livraison, mais pas dans une zone d’arrêt interdit ou une zone à stationnement limité. Cependant, je savais que la livraison ne durerait que trois minutes...

J’ai eu de la chance ce jour-là. Je suis retourné à ma voiture, que j’avais laissée devant l’un des camions de livraison, dans une zone d’arrêt interdit, et j’ai continué ma journée. Néanmoins, ces trois minutes dans le complexe de bureaux ont été stressantes et précipitées.

Depuis 2007, la demande d’espace en bordure de rue a augmenté de façon spectaculaire. Et les livreurs traditionnels ne sont plus les seuls à l’utiliser. Des services de livraison d’articles personnels et de repas sur demande sont à pied d’œuvre dans toutes les villes du monde, et de nombreux livreurs ne se contentent pas d’utiliser des voitures; il est maintenant courant de les voir à motocyclette, en vélo électrique et en trottinette. Les options de mobilité au-delà des transports en commun se sont également multipliées. Enfin, il y a aussi l’arrivée imminente des véhicules sans conducteur, qui ont besoin d’espace sur la rue pour s’arrêter, déposer leurs passagers et en accueillir de nouveaux.

Parallèlement à l’augmentation de la demande, il existe un mouvement mondial visant à réduire l’espace disponible en bordure de rue en intégrant des pistes cyclables protégées et, dans certains cas, en étendant les devantures des magasins et les terrasses dans la rue (https://www.bradbradford.ca/destinationdanforth/). Je pense que tous ces changements, combinés à une réduction de la limite de vitesse des véhicules en ville, conduisent à des villes plus humaines et, en fin de compte, sont bénéfiques pour tous. Cependant, pour évoluer vers des rues urbaines plus humaines, nous devons être plus intelligents dans l’attribution de l’espace en bordure de rue en vue de divers usages.

Prenons l’exemple de la Ville d’Edmonton, qui a récemment modifié son règlement de zonage afin d’éliminer l’obligation d’offrir un nombre minimal de places de stationnement. Cela permet aux entreprises de prendre des décisions plus intelligentes concernant leur capacité de stationnement. La Ville peut également intégrer plus d’options de mobilité et d’infrastructures de transport actif pour améliorer encore davantage la mobilité dans la région.

Des données démographiques granulaires qui suggèrent comment, quand et où les gens ont tendance à voyager sont accessibles auprès de nombreuses sources et fournisseurs de données. Des outils permettant de visualiser avec précision jusqu’où les gens sont prêts à se rendre en utilisant les différents modes de transport sont aussi largement disponibles. En réunissant ces ingrédients, on obtient une solution puissante qui permet aux urbanistes de prendre des décisions intelligentes sur l’emplacement des nouvelles infrastructures de transport.

Réseaux de transport à Kitchener, Ontario, illustrant l’interaction entre l’accessibilité en vélo et le réseau de transport local, et la population en soirée dans un rayon de 100 mètres de tous les arrêts de transport en commun.

Ce qui nous ramène à la forte demande d’espace en bordure de rue. Si les urbanistes ont accès à des données spatiales qui confirment leurs attentes sur la manière dont les personnes et les marchandises changent de mode de transport en bordure de rue et sur l’endroit où ces changements peuvent avoir lieu, nous avons alors la possibilité d’allouer l’espace en bordure de rue à différentes fonctions comme le stationnement, les livraisons, les arrêts d’autobus, les zones d’intervention d’urgence, les pistes cyclables et les terrasses de restaurant.

Nous pouvons aller encore plus loin.

La plupart d’entre nous ont probablement vu dans les centres urbains des panneaux numériques de restriction de virage qui s’allument ou s’éteignent selon l’heure de la journée. Le même principe peut être appliqué aux zones en bordure de rue. Peut-être que les données relatives à un tronçon de rue urbaine de 150 m suggèrent qu’il est nécessaire d’augmenter les zones de dépôt et de ramassage juste avant l’heure de pointe de l’après-midi. Disons que les données suggèrent également qu’il y a beaucoup d’usagers du transport en commun qui débarquent pendant l’heure de pointe du matin et que la plupart des livraisons ont lieu à l’heure du dîner. Ainsi, les villes pourraient mettre en place des zones de bordure de rue dynamiques dont l’affectation changerait en fonction de la demande prévue.

Nous pourrions même imaginer un scénario où les livreurs pourraient réserver un espace en bordure de rue par blocs de cinq minutes sur leur téléphone intelligent pour s’assurer d’avoir une place à leur arrivée. Et si aucune place n’est disponible, l’application pourrait recommander une place disponible à proximité et la réserver. Les réservations pourraient être exécutées à l’aide des capteurs NFC (communication en champ proche) ou Bluetooth sur les téléphones intelligents, comme pour déverrouiller des vélos ou des trottinettes partagés.

Exemple d’itinéraire à vélo vers un support à vélo réservé dans le centre-ville de Halifax, en Nouvelle-Écosse.

Rien de tout cela n’exige que la bordure de rue soit monnayée, mais la Ville a la possibilité d’offrir un service de réservation payant.

La technologie permettant de faire fonctionner tout cela est disponible aujourd’hui. De nombreuses villes sont déjà en train de concevoir et de déployer l’infrastructure de gestion unifiée des transports qui sous-tend toute cette capacité. Nous devons simplement apporter quelques modifications aux règlements municipaux, en suivant l’exemple de la Ville d’Edmonton. Compte tenu de la rapidité avec laquelle notre paysage urbain change, il est peut-être temps que les villes commencent à gérer de façon plus judicieuse l’espace en bordure des rues. Les livreurs de tout le pays pousseront un soupir de soulagement collectif.

Ce billet a été écrit en anglais par Arif K. Rafiq et peut être consulté ici.