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IAG : démystifier l’intelligence pour définir l’intelligence artificielle (IA) – partie 3

Qu’est-ce que l’intelligence? La définition de ce terme s’applique-t-elle à l’expression courante « intelligence artificielle »? Dans mon dernier billet de blogue, j’ai évoqué les origines de l’intelligence artificielle géospatiale (IAG) et la façon dont elle a évolué au fil des ans, parallèlement aux progrès de l’IA en général. Pour explorer plus avant ce sujet et comprendre les principes fondamentaux et les mécanismes d’un système d’IAG, nous devons d’abord faire un petit pas en arrière et nous poser quelques questions d’ordre général sur la nature de l’intelligence.

Intelligence et artificielle = intelligence artificielle ou cognition artificielle?

Prenez quelques minutes pour répondre par écrit aux deux questions suivantes : Qu’entend-on par « artificielle »? Qu’est-ce que l’intelligence? Maintenant, réfléchissez à la façon dont vous pourriez combiner vos réponses pour définir le terme « intelligence artificielle ». Si vous y parvenez d’une manière simple qui peut être comprise par tous et acceptée par le grand public, les philosophes et les scientifiques, alors vous avez trouvé la véritable définition de l’IA.

Artificielle s’entend tout simplement d’une chose qui n’a pas été fabriquée de manière organique ou par des forces géophysiques (ou atomiques). Intelligence est un terme beaucoup plus complexe à définir, car il s’agit d’un concept relatif. Les théories sur la nature de l’intelligence sont nombreuses. Nous nous arrêterons sur la théorie des intelligences multiples de Gardner, car il s’agit d’une théorie récente, bien connue et facile à expliquer. D’après cette théorie (Frames of Mind: The Theory of Multiple Intelligences [cadres de l’esprit : la théorie des intelligences multiples] par Howard Gardner), il existe huit types d’intelligence :

  1. Visuelle-spatiale : il s’agit de la capacité à visualiser les choses; une personne dotée de cette intelligence est souvent douée pour la navigation, les cartes, les graphiques, les vidéos et les images. Possibilités de carrière faisant appel à ce type d’intelligence : architecte, ingénieur, artiste et pilote.
  1. Linguistique-verbale : il s’agit de la capacité à bien utiliser les mots à l’oral et à l’écrit, à écrire des histoires, à mémoriser de l’information et à lire. Possibilités de carrière faisant appel à ce type d’intelligence : avocat, enseignant et journaliste.
  1. Logique-mathématique : une personne dotée de cette intelligence excelle dans le raisonnement, la reconnaissance de tendances et l’analyse logique de problèmes. Possibilités de carrière faisant appel à ce type d’intelligence : scientifique, mathématicien, programmeur informatique, ingénieur et comptable.
  1. Corporelle-kinesthésique : une personne pourvue de cette intelligence présente une excellente coordination, de la dextérité et une maîtrise de son corps et de ses mouvements. Possibilités de carrière faisant appel à ce type d’intelligence : athlète professionnel, danseur, bâtisseur, acteur et sculpteur.
  1. Musicale : une personne dotée de cette intelligence est particulièrement douée pour la composition musicale, les rythmes et l’interprétation. Possibilités de carrière faisant appel à ce type d’intelligence : musicien, compositeur, chanteur, chef d’orchestre et professeur de musique.
  1. Interpersonnelle : il s’agit de la capacité à comprendre d’autres personnes et à établir des liens avec elles par l’intermédiaire d’émotions, de désirs et de motivations. Possibilités de carrière faisant appel à ce type d’intelligence : politicien, vendeur, philosophe, conseiller et psychologue.
  1. Intrapersonnelle : une personne pourvue de cette intelligence est adepte de l’autoréflexion, y compris des états émotionnels, de la rêverie et de l’exploration de forces personnelles. Possibilités de carrière faisant appel à ce type d’intelligence : scientifique, théoricien, écrivain et philosophe.
  1. Naturaliste : une personne dotée de cette intelligence est en accord avec la nature, y compris les changements subtils; il s’agit d’une personne cultivée et curieuse à l’égard de l’environnement et des autres organismes vivants. Possibilités de carrière faisant appel à ce type d’intelligence : conservateur, jardinier, agriculteur, biologiste et zoologiste.

Si l’on examine séparément les huit types d’intelligence, il est difficile de formuler une définition unique du terme « intelligence », car il comprend des composantes multiples et souvent liées entre elles. Même si nous parvenions à établir une définition unifiée de l’intelligence, pourrions-nous l’utiliser pour répondre à la question suivante : qui, parmi le scientifique, le chasseur autosuffisant ou le musicien, est intelligent?

De nombreuses personnes choisiront le scientifique sans trop réfléchir à la question. Après tout, scientifique rime bien souvent avec invention. De plus, le scientifique appuie les décideurs en leur fournissant des données, et on lui doit de nombreuses découvertes historiques (p. ex., les vaccins, les armes nucléaires, l’envoi d’astronautes sur la Lune). En revanche, que pouvons-nous dire des capacités du chasseur autosuffisant et du musicien? Le chasseur autosuffisant peut mémoriser chaque détail de son environnement afin d’être en mesure de s’orienter et de faire l’inventaire de ses ressources, en plus de savoir chasser efficacement. De son côté, le musicien a la capacité de créer des sons dont la tonalité, la hauteur et la longueur varient, ainsi que de suivre les signaux auditifs et visuels d’autres musiciens.

Qu’est-ce que l’intelligence?

Ces exemples ont pour but de faire comprendre que chaque personne est intelligente à sa manière et dans son approche unique de la résolution de problèmes. Ainsi, comme l’illustre la figure suivante, l’intelligence peut se définir comme la capacité continue d’apprendre en reconnaissant les problèmes et en les réglant de manière récursive avec logique et créativité, puis en faisant des déductions pour prendre des décisions et provoquer des changements.

Un flux de travaux en boucle illustrant le processus de l’intelligence.

Reconnaître un problème par PNGiMage; User de logique et de créativité par Free Icons Library; Résoudre un problème par Free Icons Library; Tirer des conclusions par Iconfinder; Prendre une décision par WEBTECHOPS LLP; et Acquérir de l’expérience par Rajesh

De nombreuses études ont révélé que le concept d’intelligence, y compris l’intelligence humaine, est façonné par des objectifs qui reflètent les valeurs socioculturelles d’une personne, lesquelles sont fortement influencées par son environnement (p. ex., Sternberg et coll., 2004). Dans certaines cultures, par exemple, l’intelligence se traduit par des compétences verbales, sociales et de résolution de problèmes. En revanche, dans d’autres cultures, elle se définit par l’intelligence interpersonnelle et intrapersonnelle, l’affirmation intellectuelle de soi et l’effacement intellectuel. Les perceptions de l’intelligence évoluent également au fil du temps en raison d’une boucle de rétroaction continue formée par l’intelligence appliquée (c’est-à-dire la façon de penser et d’appliquer la pensée qui est en constante évolution), les valeurs culturelles (besoins et désirs de la société) et le contexte environnemental (circonstances économiques et politiques). Pour en savoir plus sur la façon dont ces composantes sont interreliées, consultez le livre intitulé Sapiens : Une brève histoire de l’humanité par Yuval Noah Harari.

La figure ci-dessous illustre la boucle de rétroaction continue de notre perception évolutive de l’intelligence. Les flèches bleues indiquent une voie où l’environnement influence les valeurs culturelles, et donc l’intelligence appliquée. Les flèches rouges illustrent la voie inverse, où l’intelligence appliquée modifie les valeurs culturelles et, par extension, l’environnement.

Une boucle de rétroaction infinie de notre perception évolutive de l’intelligence.

Ce cycle d’évolution de l’intelligence demeure partie intégrante d’une culture jusqu’à ce qu’un événement catastrophique (p. ex., l’effondrement de la civilisation, une diminution importante de la population, etc.) ou un changement radical (p. ex., passage de la démocratie à un régime autoritaire, colonisation de l’espace, etc.) se produise. En général, nous vivons ce cycle de manière inconsciente au quotidien, et le sous-produit de l’intelligence appliquée continue de façonner nos valeurs culturelles et notre environnement.

Évolution de l’IA

Le concept d’IA a progressé au cours des six dernières décennies, ce qui a influé sur nos valeurs culturelles et notre environnement. Dans les années 1960, l’IA était perçue comme l’automatisation de robots (p. ex, Unimate) capables d’effectuer des tâches répétitives qui ne nécessitaient pas, ou peu, de prise de décisions. Ces « robots » ont été principalement adoptés par les dirigeants d’industries manufacturières et demeurent aujourd’hui d’une importance capitale pour l’automatisation de la fabrication. De nombreux ouvriers d’usine ont perdu leur emploi, mais l’automatisation de la fabrication a inauguré une ère de l’informatique et de l’information, en plus d’augmenter considérablement la production économique. En réponse à cette nouvelle (3e) révolution industrielle, les nations développées (p. ex., le Canada, les États-Unis et les pays de l’Union européenne) ont injecté d’importantes sommes dans les programmes de sciences, de technologie, d’ingénierie et de mathématiques (STIM) des universités; ont favorisé la croissance des entreprises; et ont recruté des immigrants talentueux pour travailler dans ces nouveaux domaines de haute technologie. Ces changements d’environnement et de valeurs culturelles ont considérablement transformé l’intelligence appliquée, ce qui a contribué à l’évolution du concept d’IA au-delà de la simple automatisation des machines.

L’IA d’aujourd’hui est omniprésente. Elle a modifié la façon dont nous prenons des décisions au quotidien, que ce soit sur le plan de la recherche, des affaires ou du comportement des consommateurs. Prenons un exemple : si vous êtes né dans les années 1990 ou avant, vous vous souvenez sans doute d’une époque où vous deviez vous rendre au magasin Blockbuster du voisinage pour louer un film. Une fois sur place, vous parcouriez l’éventail de films en vue de louer ceux qui vous intéressaient. Avance rapide jusqu’en 2006, date où Netflix s’est appuyée sur l’apprentissage automatique (une branche de l’IA d’aujourd’hui) pour prédire les films qu’une personne aimerait regarder en fonction de ses choix antérieurs. Cette technologie permettait à Netflix de formuler des recommandations de films personnalisées. Soudainement, les utilisateurs ont délaissé les vidéoclubs au profit d’abonnements en ligne et de la diffusion en continu, ce qui a transformé la culture de consommation. Au départ, les fondateurs de Netflix voulaient vendre leur entreprise à Blockbuster pour un montant de 50 millions de dollars. Blockbuster ne les a pas pris au sérieux. Quatre ans plus tard (2010), Blockbuster a déclaré faillite, et Netflix est devenue la plateforme dominante de diffusion en continu à l’échelle mondiale. Tout comme les machines automatisées ont délogé les ouvriers d’usine, un modèle d’entreprise basé sur l’apprentissage automatique en remplace un autre qui dépend davantage de la minutie et de la rigueur de l’humain.

Le diagramme ci-dessous illustre d’autres exemples de la boucle de rétroaction de l’intelligence, des années 1950 à aujourd’hui, où l’intelligence appliquée a multiplié les utilisations de l’IA. Notre culture et notre environnement s’en sont trouvés transformés, tandis qu’à l’inverse, des forces environnementales et culturelles ont joué sur l’évolution de l’IA. L’IA d’aujourd’hui diffère de celle du passé et de celle de l’avenir. Il est donc difficile d’établir une définition universelle de ce qu’est l’IA. Chaque lettre du diagramme (de a à m) est décrite à la section suivante.

D’après les concepts présentés à la figure précédente, ce diagramme illustre les événements environnementaux qui ont façonné nos valeurs culturelles, lesquelles ont transformé l’intelligence appliquée – et vice versa – au fil du temps.

Comment pouvons-nous définir l’intelligence artificielle?

Reprenez la feuille de papier que vous avez utilisée au début de ce billet de blogue pour répondre à mes questions. En tenant compte de la discussion ci-dessus, tentez à nouveau de définir les mots « artificielle » et « intelligence ». Combinez ensuite vos définitions, puis simplifiez le résultat. Quelles sont vos réponses?

Artificielle : chose qui n’a pas été créée de manière organique ou par des forces naturelles.

Intelligence : capacité continue d’apprendre en reconnaissant les problèmes et en les résolvant de manière récursive avec logique et créativité, puis en faisant des déductions pour provoquer des changements dans un but précis.

Intelligence artificielle (définition approximative) : chose qui n’a pas été créée de manière organique ou par des forces naturelles, mais qui peut apprendre de façon continue par des méthodes de résolution de problèmes récursives, logiques et créatives et qui peut faire des déductions pour provoquer des changements dans un but précis.

Intelligence artificielle (définition peaufinée) : ordinateur ou machine qui apprend de façon continue grâce à des capacités récursives de résolution de problèmes et qui utilise ses apprentissages pour prendre des décisions dans l’atteinte d’un but précis.

Dans ce contexte, quel est le but de l’IA? Le diagramme ci-dessus indique que l’IA a été utilisée pour la première fois durant la Guerre froide et la course à l’espace 1.0. Les progrès soudains en recherche dans les secteurs militaire, spatial et aérospatial – sans oublier les technologies informatiques – ne sont pas un hasard, loin de là. Ils sont le résultat de l’idéologie et de la concurrence entre les superpuissances communistes (dirigées par l’Union soviétique) et les superpuissances capitalistes démocratiques (menées par les États-Unis). Il en va de même pour la course à l’IA 1.0 et la course à l’espace 2.0 entre les nations avancées (par exemple, la Chine, les États-Unis, Israël et certains pays de l’Union européenne). La concurrence alimente l’innovation et l’évolution. D’ailleurs, la nation qui réussira à créer des systèmes d’IA avancée dirigera le monde et deviendra une superpuissance économique, militaire et scientifique. Vous trouverez ci-dessous une description de chaque phase indiquée sur le diagramme précédent. Veuillez noter que le diagramme – plutôt simpliste – vise à donner une idée générale de six décennies de changements survenus à travers le monde.

  1. Contexte – Guerre froide et course à l’espace 1.0 (années 1950) : le contexte des années 1950 comprend la deuxième révolution industrielle et la Guerre froide. Cette guerre déclenche la première course à l’espace (p. ex., mise en orbite, atterrissage sur la Lune) et l’ère atomique (p. ex., prolifération des armes nucléaires, réacteurs). Ces éléments définissent en partie ce qu’est une nation superpuissante.
  1. Culture – ère de l’université et consommateurisme 1.0 (années 1950) : dans les années 1950, la norme consiste à obtenir un diplôme d’études secondaires, mais le GI Bill permet aux militaires de poursuivre leurs études gratuitement jusqu’au baccalauréat. Grâce à ce diplôme, les gens accèdent à des postes mieux rémunérés, ce qui améliore le niveau de vie et ouvre la voie au consommateurisme (p. ex., possession d’une voiture et d’une maison, achat d’articles). Les universités deviennent une façon populaire de s’assurer un niveau de vie plus élevé.
  1. Intelligence appliquée – début de l’IA 1.0 (années 1960) : de nombreuses personnes fréquentent les universités et obtiennent des diplômes, ce qui entraîne une augmentation des efforts en recherche et développement. On note également la conception accrue de produits d’ingénierie pour automatiser l’industrie manufacturière ainsi qu’améliorer les industries spatiale, aérospatiale et militaire.
  1. Culture – automatisation 1.0 (années 1960) : la fabrication automatisée devient la norme, et de nombreux ouvriers sont licenciés lors de la première vague de transformation. L’informatique aide les États-Unis à se poser sur la lune, ce qui donne naissance à la course à l’espace. La culture du travail basée sur la deuxième révolution industrielle continue d’évoluer vers l’automatisation.
  1. Contexte – début de la troisième révolution industrielle (années 1970) : l’alimentation et le contrôle des machines marquent le début de l’ère de l’information et de l’informatique. IBM (machines informatiques), Microsoft et Apple deviennent les pionniers de l’industrie informatique.
  1. Culture – Silicon Valley (années 1970 et 1980) : la troisième révolution industrielle a créé un nouveau secteur économique : les hautes technologies (hitech). Des entreprises de haute technologie sont mises sur pied dans la Silicon Valley. Plus de personnes fréquentent les universités pour décrocher des emplois en technologies. Le baccalauréat devient beaucoup plus répandu.
  1. Intelligence appliquée – début de l’IA 2.0 (années 1980) : les efforts continus en recherche et développement dans le domaine universitaire et l’industrie technologique propulsent l’IA de l’automatisation de base aux systèmes spécialisés. Ces systèmes utilisent des faits et l’heuristique pour résoudre des problèmes complexes de prise de décision, lesquels nécessiteraient normalement l’intervention d’un être humain.
  1. Culture – prolifération des cubicules (années 1980) : les systèmes spécialisés et les autres technologies informatiques se sont répandus, ce qui a considérablement accru la demande des clients et des consommateurs. Cette augmentation de la demande se traduit par un plus grand nombre d’emplois tant à l’échelle locale qu’à l’internationale, et les entreprises intègrent l’environnement de travail en cubicules.
  1. Contexte – fin de la Guerre froide et début de l’ère Internet (années 1990) : la Guerre froide se termine avec l’OTAN comme vainqueur. L’Internet devient accessible aux civils.
  1. Culture – consommateurisme 2.0 et ère de la surveillance (années 2000) : l’accès à Internet s’est répandu, ce qui a entraîné la création d’un plus grand nombre d’entreprises technologiques et de jeunes pousses. L’utilisation des médias sociaux et le magasinage en ligne gagnent en popularité. Google, Facebook, Twitter et Amazon deviennent des pionniers. Les attentats du 11 septembre 2001 déclenchent la guerre contre le terrorisme, et les organismes gouvernementaux exercent une surveillance intensive de leurs propres citoyens et des autres pays.
  1. Intelligence appliquée – IA 3.0 (fin des années 2000 à aujourd’hui) : Internet et les téléphones intelligents entraînent la création et la collecte de volumes importants de données. On voit alors le développement de l’IA moderne (apprentissage automatique, apprentissage profond, traitement automatique des langues), ainsi que du stockage et de l’informatique en nuage. Google, Amazon, Microsoft, Nvidia, Apple, IBM, OpenAI, Qualcomm et DJI sont les entreprises dominantes de l’IA 3.0.
     
  2. Culture – entreprises IA axée sur les données et usine à doctorats (années 2010 à aujourd’hui) : l’IA est plus avancée que jamais et fait désormais partie de notre quotidien. Les entreprises utilisent l’IA basée sur les données pour augmenter leurs bénéfices, découvrir de nouveaux produits et améliorer leur prise de décision. La consommation en ligne devient plus populaire que le magasinage traditionnel. La forte demande en IA et en technologies générales entraîne la création de nouveaux postes, mais la majorité d’entre eux exigent un doctorat. De nombreux étudiants prolongent donc leurs études jusqu’au doctorat, ce qui crée la culture de l’« usine à doctorats ».  
  1. Contexte – course à l’espace 2.0 et course à l’IA 1.0 (années 2010 à aujourd’hui) : les progrès en IA et en informatique ont entraîné une concurrence féroce entre les entreprises et les nations. À l’heure actuelle, nous sommes au cœur de la première course à l’IA et de la course à l’espace 2.0 qui vise la colonisation de la Lune et de Mars. Le Canada, la France, Israël, le Japon, l’Inde et le Royaume-Uni figurent parmi les principaux acteurs. Toutefois, les États-Unis dominent dans les deux courses, suivis de près par la Chine. Nous entrons également dans la quatrième révolution industrielle, où nous combinons systèmes cybernétiques et systèmes physiques (p. ex., réseau électrique intelligent, véhicules autonomes, robots avancés, surveillance médicale).

En résumé, nous avons traversé à l’échelle mondiale quatre phases de changements majeurs sur le plan du contexte, six transitions culturelles et trois transformations pour l’intelligence appliquée (ou l’IA). Au niveau local (entreprises ou personnes), les transformations de l’IA ont été provoquées par des initiatives personnelles et sociétales visant à améliorer les modes de vie actuels, comme l’augmentation de l’intelligence humaine et la réduction des tâches manuelles avancées (p. ex., la conduite). En outre, les progrès de l’IA ouvrent la voie à des technologies et à des occasions encore inconnues, comme la création de technologies de propulsion et de matériaux composites inédits, la modification des normes en matière d’éducation, la conception de nouveaux traitements médicaux et le perfectionnement du corps humain pour créer des surhommes (Homo Deus par Yuval Noah Harari).

De l’intelligence artificielle à la cognition artificielle

Bien que les systèmes d’IA actuels aient atteint des compétences modérées en intelligence visuelle-spatiale, logique-mathématique et musicale, ils n’en sont qu’à leurs balbutiements en ce qui concerne l’intelligence corporelle-kinesthésique et linguistique-verbale. Quant à l’intelligence interpersonnelle, intrapersonnelle et naturaliste, nous sommes encore bien loin de créer de tels systèmes d’IA. Même nous, en tant qu’êtres humains, avons du mal à maîtriser un ou plusieurs des types d’intelligence nécessitant une compréhension émotionnelle. Le développement d’un système intelligent sur le plan émotionnel exigera un effort monumental ainsi qu’une collaboration étroite entre les professions visuelle-spatiale, logique-mathématique, interpersonnelle, intrapersonnelle et naturaliste (notamment des chercheurs en IA, des informaticiens, des psychologues et des neuroscientifiques).

Si nous parvenons à concevoir un système artificiel muni d’une intelligence émotionnelle, il pourrait perdre de son « artificialité » et devenir plus conscient des autres types d’« intelligence », de sorte qu’il pourrait fonctionner sans avoir besoin d’être programmé ou dirigé par un être humain. À ce stade, l’humanité aurait créé la cognition artificielle, c’est-à-dire un réseau de systèmes d’IA interconnectés capables de prendre par eux-mêmes des décisions et de les exécuter, d’en envisager les conséquences et de maîtriser la résolution de problèmes.

Dernières réflexions

Pour plusieurs, l’IA est une machine ou un ordinateur qui imite les capacités cognitives de l’humain. Toutefois, le concept d’intelligence dépend des types d’intelligence concernés et évolue sans cesse selon les transformations culturelles et contextuelles. Fondamentalement, nos modes de pensée sont demeurés les mêmes à travers l’histoire, mais la créativité, la concurrence et l’ambition ont entraîné de petits changements, lesquels se reflètent dans l’évolution de l’IA. L’IA et sa définition continuent d’évoluer, mais il est préférable d’éviter de la définir par l’« émulation des capacités cognitives humaines ». La raison est simple : nous ne savons pas si elle peut atteindre le niveau de cognition humaine ni si elle aura un jour ses propres approches pour résoudre des problèmes.

« Cognition artificielle » est une expression plus appropriée lorsqu’une machine ou un ordinateur est capable de penser par lui-même pour exécuter des tâches à une fin précise, qu’il respecte ou non les intérêts humains. L’IA actuelle est encore très loin de la cognition artificielle. Elle renferme plutôt des éléments complexes, en particulier l’apprentissage profond, qui nous surprennent souvent par leurs méthodes d’apprentissage automatique et leur résolution de problèmes, ce qui nous permet d’améliorer nos processus décisionnels. Dans le prochain billet de blogue, nous présenterons en détail les éléments qui composent un système d’IA, nous définirons les types de capacités d’IA et nous illustrerons les approches possibles pour parvenir à la cognition artificielle.

Ce billet a été écrit en anglais par Anastassios Dardas et peut être consulté ici.