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Gouvernance SIG : décisions et processus décisionnel

Les rapides avancées des systèmes d’information géographique (SIG) et de la technologie de la localisation et les investissements croissants qu’ils suscitent sont à l’origine d’importantes préoccupations relatives à la gouvernance. Les organisations doivent avoir une vision ambitieuse et s’attacher aux détails pour créer un programme de gouvernance SIG efficace.

« Les amis qui furent ici ensemble et s'étreignirent sont partis,
chacun vers ses erreurs » 
― W.H. Auden

Le responsable des technologies de l’information (TI) d’une ville de taille moyenne était préoccupé. La Ville menait une transformation numérique à grande échelle qui promettait de réinventer la manière d’offrir des services aux citoyens. Elle avait investi des millions pour refaçonner les systèmes de ses services et créer une infrastructure « intelligente » essentielle. Les résultats préliminaires étaient prometteurs. La Ville avait franchi une étape importante en intégrant les avis de fermeture de routes aux médias sociaux. Les résidents appréciaient beaucoup de pouvoir être prévenus en temps réel des fermetures de route, planifiées ou non, par l’intermédiaire d’une carte. Toutefois, le responsable des TI avait remarqué une tendance inquiétante : son équipe avait du mal à répondre à la demande suscitée par cette réussite pour de nouvelles solutions fondées sur des cartes.

 

Autrefois, le SIG était considéré comme un important système d’information relatif aux biens de la Ville, ainsi que le siège de ses renseignements cartographiques. Cette nouvelle demande repoussait les limites de ce qui était attendu en matière d’applications géographiques. Mais à défaut de disposer d’un moyen de gérer la demande, d’établir les attentes et de stimuler le développement de ces applications, le responsable des TI devait admettre qu’il courait à l’échec. Sans une gouvernance SIG solide, pouvait-il remplir la promesse de réinventer la Ville grâce à la technologie numérique?

Cette situation n’est pas inhabituelle. Essentiellement, la réussite en matière de SIG ne découle pas de la mise en œuvre de la technologie, mais plutôt de la création d’une capacité géographique. Celle-ci consiste à combiner la technologie SIG avec la science de la géographie, puis à les intégrer à l’ADN de l’organisation. Une capacité SIG solide et bien développée est la base sur laquelle il est possible de réaliser une transformation numérique fondée sur la localisation. Pour la créer, une bonne gouvernance est essentielle.

Par gouvernance, nous entendons système de contrôle. Un tel contrôle vise les applications et l’infrastructure qui constituent votre plateforme de localisation, les données sur lesquelles reposent vos cartes et vos produits d’information, les personnes qui créent et mettent à jour la plateforme, et les fonds destinés à accroître et à pérenniser votre capacité géographique.

En bref, la gouvernance est l’un des facteurs les plus importants de la réussite à long terme d’un SIG. Sans une bonne gouvernance, les plans stagnent. Ils sont condamnés, comme l’écrit W.H. Auden, à cheminer « chacun vers ses erreurs ». Dans cet article, nous évoquons certaines des raisons pour lesquelles les organisations échouent à cet égard et nous présentons un cadre complet de gouvernance SIG.

Quelles sont les erreurs des organisations?

La gouvernance SIG ne répond souvent pas aux attentes pour plusieurs raisons.

Premièrement, la gouvernance est généralement un sujet méconnu dans le milieu des SIG. Il n’est pas rare d’entendre des gestionnaires dire qu’ils savent qu’ils ont besoin de gouvernance, mais qu’ils ne savent pas exactement de quoi il s’agit. Cela démontre une absence de consensus sur la raison pour laquelle la gouvernance existe. Il en découle souvent des tentatives ponctuelles et non structurées de mise en œuvre de la gouvernance dans un domaine isolé, comme l’accès aux données ou la propriété des applications. C’est un bon début, mais qui présente des lacunes si l’on tient compte de l’ensemble des décisions qui doivent être prises pour exploiter un SIG moderne.

Deuxièmement, les programmes de gouvernance SIG n’accordent souvent pas suffisamment d’importance aux activités suivies de gouvernance. C’est une chose que de mettre en place un comité directeur et d’attribuer des responsabilités, mais c’en est une autre que de gérer le programme au-delà des réunions semestrielles. Un programme bien mené demande un engagement et des efforts quotidiens.

Troisièmement, la gouvernance SIG repose trop souvent sur d’autres niveaux, plus généraux, de gouvernance. Il est vrai que les SIG ne sont pas isolés par nature. Il n’est donc pas surprenant de voir leur gouvernance intégrée aux programmes de gouvernance des TI ou de gouvernance des données d’une organisation. Le problème de ces programmes de gouvernance établis à l’échelle d’une entreprise est qu’ils sont souvent trop généraux et qu’ils négligent certains des aspects propres aux SIG qui demandent une attention soutenue. Parmi ces aspects, mentionnons les décisions relatives à la plateforme, les considérations propres aux données géospatiales (normes, modèles) et les compétences des employés. Cette constatation a trait à la nature hiérarchique de la gouvernance. Les plus hauts niveaux de gouvernance doivent établir des normes plus générales (p. ex., la politique de confidentialité des données de l’entreprise), alors que les niveaux inférieurs doivent articuler ces normes de manière appropriée (p. ex., les règles d’accès aux renseignements géospatiaux).

Enfin, la gouvernance consiste en un changement de culture qui requiert de la discipline. Pour certains, cela se résume à l’application de nouvelle règle et donc à un excès de bureaucratie. Si certaines organisations ne parviennent pas à concrétiser leurs ambitions en matière de gouvernance, c’est souvent en raison d’une trop forte opposition au changement. Une approche systématique et explicite est nécessaire pour que les intervenants comprennent la valeur de la gouvernance.

Une définition complète

Pour relever ces défis, nous devons nous appuyer sur une définition générale de la gouvernance.

La gouvernance concerne les décisions et le processus décisionnel. Plus précisément, il est question de définir les principales décisions devant être prises relativement au SIG d’une organisation (les décisions), ainsi que d’établir comment et par qui ces dernières seront prises (le processus décisionnel). Lorsqu’elle est bien menée, la gouvernance crée un système de responsabilisation qui établit et applique les droits des intervenants.

Précisons que la gouvernance est différente de la gestion. La gouvernance consiste à établir une direction. La gestion consiste à agir conformément à cette direction. Cette distinction est importante, car les discussions à propos des SIG portent couramment sur des sujets propres à la gestion. La gestion est essentielle, mais il convient de tracer une démarcation claire entre ces deux concepts afin de continuer à faire les bonnes choses (gouvernance) et à faire bien les choses (gestion).

En pratique, la gouvernance passe par l’exécution d’un ensemble de processus de gouvernance. Ces derniers sont établis en fonction des principaux domaines décisionnels relatifs aux SIG auxquels ils se rapportent (voir la prochaine section). Chaque processus est constitué d’un ensemble défini d’objectifs et de mesure (indicateurs clés de rendement), d’activités structurées, de rôles et de responsabilités, et de politiques et de procédures.

Collectivement, les processus de gouvernance contribuent à l’obtention des principaux résultats opérationnels. Ceux-ci comprennent : l’amélioration de la responsabilisation, la conformité, la supervision de la mise en œuvre et la résolution des problèmes. Une gouvernance efficace structure le processus décisionnel et clarifie la manière de réagir au changement.

Finalement, la gouvernance crée de la valeur partenariale. Une responsabilisation et un contrôle accrus permettent à l’entreprise de prendre de meilleures décisions relatives à son SIG, décisions qui sont conformes à sa mission stratégique et qui l’appuient, et qui aident à trouver un équilibre entre les avantages, les risques et les ressources.

La figure 1 illustre la pyramide de valeurs de la gouvernance SIG.

Figure 1 – Pyramide de valeurs de la gouvernance SIG

Un cadre structuré

Tout en gardant à l’esprit la définition de la gouvernance, nous pouvons maintenant nous intéresser à son application aux SIG. Notre expérience nous a permis de discerner six principaux domaines décisionnels relatifs aux SIG (figure 2). Ceux-ci comprennent plus de 20 processus de gouvernance que nous avons regroupés sous la forme de pratiques exemplaires. L’élaboration d’un programme de gouvernance efficace demande une orientation claire et une compréhension aboutie de ces domaines.

Figure 2 – cadre de gouvernance SIG

Stratégie. Les organisations intelligentes ont une vision claire de ce qu’elle souhaite accomplir avec un SIG et de la manière d’y parvenir. Une gouvernance SIG efficace passe par la définition de principes fondamentaux, l’établissement d’objectifs à court et à long termes, l’élaboration de la structure organisationnelle optimale et le suivi des progrès en fonction du plan. Dans le domaine de la stratégie, la gouvernance a pour but d’harmoniser la vision relative aux SIG avec celle de l’entreprise.

Les processus de gouvernance associés à ce domaine sont les principes directeurs, le plan stratégique, les relations avec les intervenants, la structure organisationnelle et l’innovation.

Plateforme. Les applications et l’infrastructure sont la base d’un SIG. De nombreuses décisions ayant une incidence sur l’intégrité de l’environnement technique et le respect de la stratégie doivent et devront être prises. Ces décisions touchent le vaste monde de la technologie de la localisation, notamment les plateformes cartographiques, les solutions de géoanalyse, les applications mobiles et la gestion de l’imagerie. La gouvernance appliquée au domaine de la plateforme permet de créer une architecture technologique SIG durable, flexible et adaptée au but de l’organisation.

Les processus de gouvernance associés à ce domaine sont l’architecture de la technologie, le portefeuille de solutions, l’accès à la plateforme et la performance de la plateforme.

Données. Les données, qu’elles soient géospatiales ou non, structurées ou non, sont au cœur des SIG. Une gouvernance SIG efficace établit des normes de données SIG cohérentes, des modèles architecturaux, des contrôles de l’accès aux données et de leur utilisation, une responsabilisation sur l’ensemble du cycle de vie des données et des contrôles de qualité. De plus, l’une des principales décisions en matière d’architecture concerne la structure de propriété des données. Il s’agit d’établir la distinction entre la propriété des systèmes d’information et la propriété des sources indirectes, ainsi que la justification opérationnelle qui sous-tend les droits décisionnels.

Les processus de gouvernance associés à ce domaine sont l’architecture des données, l’utilisation des données, la gérance des données et la qualité des données.

Main-d’œuvre. L’exploitation d’un SIG demande des compétences uniques touchant un vaste éventail de technologies et de disciplines. Toutefois, à titre d’outil habilitant à large déploiement, un SIG peut être utilisé par toutes sortes d’intervenants. Cela signifie qu’une gouvernance SIG efficace doit tenir compte du développement des compétences, des talents et des relations externes avec l’ensemble de la main-d’œuvre. Dans ce domaine, la gouvernance contribue au maintien d’une main-d’œuvre compétente et informée.

Les processus de gouvernance associés à ce domaine sont la formation et le perfectionnement, la gestion des talents et les partenariats.

Déploiement. Un SIG efficace doit bénéficier d’une bonne structure de soutien et être offert sous la forme d’un service à l’entreprise. Une bonne gouvernance appuie des pratiques qui permettent de déployer efficacement un SIG sous la forme d’un service, notamment par la collecte des besoins, et par la gestion du déploiement, de la communication et du changement. La gouvernance appliquée au domaine du déploiement vise le fonctionnement efficace du SIG.

Les processus de gouvernance associés à ce domaine sont la gestion du service, les communications, les besoins d’affaires et la gestion du changement.

Investissement. L’objectif ultime de la gouvernance SIG est de répondre à la question suivante : « Où investissons-nous nos ressources? » Une gouvernance SIG efficace procure un mécanisme permettant d’établir la priorité des décisions d’investissement et d’en assurer le suivi. La gouvernance appliquée au domaine de l’investissement répartit les ressources selon les priorités en matière de SIG et selon les priorités de l’entreprise.

Les processus de gouvernance associés à ce domaine sont la gestion budgétaire et l’établissement des priorités relatives aux investissements.

Structure de gestion

Un programme de gouvernance efficace doit être associé à une structure de gestion solide qui permettra de lier ces éléments les uns aux autres. Cela implique de regrouper les intervenants dans des équipes cohérentes et d’établir des rapports hiérarchiques clairs. Bien qu’il n’existe pas de structure de gestion répondant aux besoins de toutes les organisations, il est fréquent que les rôles associés à la gouvernance SIG soient organisés comme l’illustre la figure 3.

Figure 3 – structure typique de gestion de la gouvernance

Influenceurs. Ce groupe est constitué d’intervenants influents qui expriment leur opinion et dont les commentaires sont essentiels à la réussite du SIG, même s’ils ne prennent pas les décisions finales en la matière. Ils jouent généralement un rôle ayant une incidence sur la valeur opérationnelle, le risque et la conformité aux objectifs généraux de l’entreprise.

Comité directeur. Le comité directeur est l’organe principal de prise de décision en ce qui concerne le SIG de l’organisation. Ses membres ont pour tâche de définir l’orientation générale de l’organisation et d’approuver les principales décisions en matière de SIG.

Groupe de travail sur la stratégie. Ce groupe est généralement responsable de concevoir les processus de gouvernance des domaines de la stratégie et de l’investissement. Selon la taille de l’organisation, les membres de ce groupe peuvent faire partie d’autres groupes de travail ou même du comité directeur.

Groupe de travail technique. Ce groupe est généralement responsable de concevoir les processus de gouvernance des domaines de la plateforme et des données. Ses membres participent parfois également aux programmes de gouvernance des TI de l’entreprise et des données. Ils agissent souvent comme des intermédiaires importants avec ces autres programmes plus généraux.

Groupe de travail opérationnel. Ce groupe de travail élabore les processus de gouvernance des domaines de la main-d’œuvre et du déploiement. Ses membres participent généralement étroitement aux activités quotidiennes associées à la prestation de services SIG. Il arrive également qu’ils participent activement à d’autres programmes plus larges de prestation de services de TI.

Cette structure de gestion regroupe de manière générale les principaux rôles associés à la gouvernance. Dans bien des cas, les personnes jouent plusieurs rôles et travaillent sur de nombreux aspects de la gouvernance. Cela est particulièrement vrai dans de petites organisations.

La mise en œuvre de la gouvernance SIG est une initiative difficile, mais extrêmement profitable. Elle demande de l’application et de l’engagement. Une approche un tant soit peu structurée, toutefois, permet à n’importe quelle organisation de mettre en place une bonne gouvernance et d’en retirer des avantages. Mais il ne faut pas s’attendre à obtenir de tels résultats du jour au lendemain. En se concentrant sur les principaux aspects problématiques et en mettant en œuvre les processus et les structures de gestion qui permettent de les contrôler, les organisations peuvent s’engager sur la voie qui les mènera vers une bonne gouvernance.

Si vous souhaitez en apprendre davantage sur la gouvernance SIG et sur notre cadre en constante évolution, écrivez-moi à mlewin@esri.ca ou laissez un commentaire ci-dessous.

Ce billet a été écrit en anglais par Matthew Lewin et peut être consulté ici.