Précis de gouvernance SIG
La gouvernance fait partie des principaux leviers utilisés par les gestionnaires de SIG dans leur quête incessante d’amélioration de la qualité des données, du contenu et des solutions géospatiales fournis à leur organisation. Elle offre une structure formelle pour la prise et la gestion des décisions sur l’orientation à long terme d’un programme géospatial. Elle est aussi un mécanisme de traitement des questions quotidiennes qui surgissent inévitablement lors de la gestion d’un système et de fonctionnalités d’entreprise complexes. Lorsqu’elle est bien faite, la gouvernance confère aux gestionnaires la capacité de suivi et l’autorité nécessaires pour s’assurer que le programme géospatial de leur organisation remplit son mandat.
Au cours des dernières années, mes collègues et moi-même, à Esri Canada, avons travaillé avec diverses organisations sur leurs modèles de gouvernance géospatiale, y compris des organismes gouvernementaux municipaux et régionaux, ainsi des organisations de l’industrie lourde et du secteur privé. Les leçons tirées de ces interactions se sont avérées inestimables dans notre volonté d’articuler et d’affiner notre réflexion sur le sujet. Nous avons travaillé à synthétiser ces connaissances dans des cadres qui aident les autres dans leurs propres efforts de gouvernance. Nous avons traité des résultats de ce travail dans des billets de blogue du passé (ici, ici et ici).
Ces efforts, j’en suis convaincu, ont contribué à sensibiliser davantage sur la gouvernance et sa pertinence pour l’industrie géospatiale. Cependant, malgré ces efforts – ou peut-être à cause d’eux – la gouvernance demeure un sujet difficile. Sur le plan conceptuel, la gouvernance est un défi en raison de la complexité et de l’ampleur des processus à prendre en compte lors de la conception d’un modèle de gouvernance approprié. Et dans la pratique, c’est encore plus difficile en raison de l’alignement et de l’accord requis entre ceux qui ont un intérêt dans le programme géospatial, qu’il s’agisse de la propriété des données ou des systèmes ou de l’orientation à long terme du programme lui-même. En effet, des études ont démontré que les organisations laissent souvent la gouvernance géospatiale à d’autres domaines comme la gouvernance informatique (si elles la font), et cela est attribuable en grande partie à la complexité et aux problèmes de coordination.
Pour le meilleur ou pour le pire, vous avez besoin d’une gouvernance géospatiale. Un programme géospatial, quelle que soit sa taille, devra, à un moment donné, déterminer clairement qui a des droits sur quoi et qui prend ces décisions. L’astuce consiste à déterminer les aspects de votre programme sur lesquels vous devez miser et les contrôles que vous devez mettre en place. Pour faciliter ce processus, nous avons repris nos cadres précédents et élaboré une version simplifiée qui réduit la géogouvernance à un ensemble de composants généralisés. L’objectif est de fournir un outil qui vous aide à cerner ce qui vous manque et les points sur lesquels vous devez vous concentrer pour parvenir à un modèle de gouvernance qui vous convient.
Cadre de gouvernance géospatiale
Rôles, processus et mécanismes de contrôle utilisés par les organisations pour assurer la gouvernance des programmes géospatiaux.
Nous avons également créé une version image téléchargeable de ce cadre.
Structure : Rôles, comités et répartition de l’autorité
Stratégie Orientation et approche |
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Technologie Applications et infrastructure |
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Données Contenu et cartes |
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Prestation Services et opérations |
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Main-d’œuvre Personnes et compétences |
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Investissement Budget et ressources |
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Contrôles : Politiques, procédures, normes, plans et directives
Stratégie Orientation et approche |
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Technologie Applications et infrastructure |
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Données Contenu et cartes |
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Prestation Services et opérations |
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Main-d’œuvre Personnes et compétences |
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Investissement Budget et ressources |
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Processus : Activités de gestion et fonctions administratives
Stratégie Orientation et approche |
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Technologie Applications et infrastructure |
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Données Contenu et cartes |
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Prestation Services et opérations |
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Main-d’œuvre Personnes et compétences |
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Investissement Budget et ressources |
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Rendement : Système de mesures et de suivi
Stratégie Orientation et approche |
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Technologie Applications et infrastructure |
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Données Contenu et cartes |
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Prestation Services et opérations |
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Main-d’œuvre Personnes et compétences |
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Investissement Budget et ressources |
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Le cadre couvre six domaines fondamentaux, chacun représentant un aspect déterminant de votre programme géospatial. Ces domaines requièrent une attention particulière et une prise de décision prudente. J’ai longuement discuté de ces domaines dans des billets précédents, mais en résumé, ils couvrent la définition des orientations et le financement (stratégie et investissement), la technologie et le contenu géospatial (technologie et données), ainsi que les services et les ressources humaines (prestation et main-d’œuvre).
Le but de votre modèle de gouvernance est d’établir un niveau de supervision suffisant dans chaque domaine pour garantir que votre programme géospatial atteigne ses objectifs. Cela signifie qu’il faut déterminer 1) qui est responsable des décisions critiques dans chaque domaine; et 2) les contrôles, processus et mesures qui créent le système de contrôle souhaité. Dans notre cadre, nous le divisons en quatre composantes principales.
Structure. La structure de votre modèle de gouvernance détermine la répartition de l’autorité dans chacun des six domaines. L’objectif est d’attribuer des responsabilités de supervision aux personnes et aux équipes qui ont un intérêt primordial dans ce domaine. En général, aucune personne n’a d’autorité sur un domaine précis, de sorte que la structure de décision prend généralement la forme d’un réseau de comités, de sous-comités et de groupes de travail. L’astuce consiste à trouver la bonne combinaison d’intervenants pour siéger aux comités, de manière à établir la supervision, mais aussi à respecter le style de prise de décision et la culture de votre organisation.
Dans ce cadre, nous avons mis de l’avant une sélection de rôles et de comités de gouvernance que les organisations mettent couramment en œuvre. Il ne s’agit en aucun cas d’une liste exhaustive ou de la seule façon de structurer votre modèle de gouvernance, mais elle sert de point de départ commun. En pratique, vous attribuerez des rôles aux personnes et créerez des groupes correspondant à votre situation. Mais dans tous les cas, votre travail consiste à déterminer les rôles essentiels, à définir les responsabilités et les droits de décision clés pour chaque rôle, à répartir les rôles en groupes et à définir un mandat au niveau du groupe, ainsi qu’à articuler les relations et les interdépendances entre les groupes.
Contrôles. Les décisions prises par les intervenants sont généralement compilées dans des documents qui formalisent les décisions de gouvernance en une pratique standard. Cela comprend les politiques, les procédures, les plans stratégiques, les normes et les directives opérationnelles. Ces artefacts de contrôle inscrivent les décisions clés dans un ensemble de règles et de règlements convenus qui régissent les opérations quotidiennes ainsi que les plans d’avenir. L’objectif est d’amener les personnes et les systèmes impliqués dans votre programme géospatial à adopter un comportement conforme aux objectifs de ce programme.
Les exemples de contrôles pour les domaines de la stratégie et de l’investissement comprennent les plans stratégiques, les chartes de gouvernance et les cadres de hiérarchisation des projets. Du côté des technologies et des données, il y a les architectures technologiques de référence, les politiques d’utilisation des données et les normes cartographiques. Les contrôles de gouvernance possibles pour les domaines de la main-d’œuvre et des services comprennent une matrice des compétences géospatiales, des directives de mentorat, des catalogues de services et des ententes de niveau de service. Dans l’ensemble, vos contrôles de gouvernance forment un cadre opérationnel à l’intérieur duquel votre programme géospatial fonctionne.
Processus. La gouvernance étant une activité permanente, il est essentiel de disposer de processus clairement définis pour garantir la pérennité de votre programme. Pour les programmes géospatiaux, nous devons surtout nous préoccuper des processus propres au domaine qui maintiennent et renforcent des points comme le rendement du système, l’intégrité des données spatiales et la qualité du service, ainsi que des processus qui s’étendent à plusieurs domaines pour des choses comme la communication des changements et les procédures d’escalade des dossiers problématiques.
En général, les organisations se concentrent d’abord sur les efforts qui facilitent leur processus de prise de décision. Cela implique souvent des processus de recommandation et d’approbation de nouvelles solutions ou d’investissements technologiques. Ce type de processus permet de surmonter les problèmes liés aux décisions de financement. Par la suite, de nombreuses organisations focalisent leur attention sur la mise en place de méthodes permettant de faire face aux interruptions de service critiques. Par exemple, une ville de taille moyenne avec laquelle nous avons travaillé a mis au point un processus permettant de fournir une assistance manuelle lorsque sa plateforme de cartographie ne répondait pas aux exigences de disponibilité. C’est un bel exemple de processus qui appuie un contrôle (norme de disponibilité) mis en œuvre par la structure de gouvernance.
N’oubliez pas qu’un processus de gouvernance est différent d’un flux de travaux fonctionnel. Un flux de travaux illustre simplement les étapes à suivre pour accomplir une tâche. Par exemple, vous pouvez définir un flux de travaux afin de publier une nouvelle carte de production sur un site d’entreprise externe. Si le processus comporte des étapes appliquant les règles définies par les contrôles de gouvernance, celui-ci pourrait alors être considéré comme un processus de gouvernance important. Mais s’il consiste simplement à décrire une série d’étapes simplifiant l’accomplissement d’une tâche, je qualifierais ce processus de flux de travaux fonctionnel plutôt que de processus de gouvernance essentiel.
Rendement. Le but de votre modèle de gouvernance est de garantir que votre investissement géospatial produise des résultats opérationnels. Autrement dit, les utilisateurs et les intervenants tirent une réelle valeur des solutions et des services offerts par votre programme, et les contraintes liées aux risques ainsi qu’à l’utilisation des ressources sont comprises et bien gérées. En un mot, la gouvernance est une question de rendement. Comment saurez-vous si votre programme géospatial offre un rendement acceptable? Vous devez le mesurer.
La clé, c’est de sélectionner des indicateurs de rendement qui démontrent que vos contrôles de gouvernance sont efficaces. Parmi les mesures de rendement stratégique pourrait figurer le pourcentage de projets financés qui sont alignés sur les objectifs stratégiques du programme géospatial. Les mesures d’accès à la plateforme peuvent consister en un nombre d’utilisateurs qui accèdent à une solution ou à un service cartographique donné. Le pourcentage d’actifs de données ayant un propriétaire désigné serait un exemple d’intendance des données. Bref, les mesures que vous sélectionnez doivent faire état du rendement de votre programme géospatial par rapport à une norme spécifique.
J’inclurais également les systèmes que vous utilisez pour le suivi et la surveillance des mesures de rendement dans le cadre de ce volet de gouvernance. La Ville de Calgary, par exemple, a mis au point un tableau de bord pour la surveillance de la santé du système de son environnement géospatial. Le tableau de bord permet de suivre des mesures telles que la disponibilité du service et les demandes d’accès aux bases de données. Il constitue un excellent outil de gouvernance pour le suivi des performances techniques de la plateforme. Vous pouvez créer des tableaux de bord comme celui-ci pour suivre n’importe quelle mesure de rendement, technique ou non.
Utilisation du cadre de gouvernance
N’essayez pas de suivre la liste des éléments du cadre de gouvernance à la lettre; utilisez-le plutôt comme une simple carte de pointage pour vous aider à 1) classer par ordre de priorité les éléments de gouvernance les plus importants de votre programme, 2) évaluer la maturité de chaque élément et 3) élaborer un plan pour combler les lacunes.
Cadre de gouvernance géospatiale : Carte de pointage de la maturité
Utilisez le cadre de gouvernance pour évaluer la maturité des capacités de gouvernance géospatiale de votre organisation et planifier des améliorations ciblées.
Nous avons rempli la carte de pointage ci-dessous à titre d’exemple. Un (1) à côté d’un élément indique que celui-ci est bien défini et efficacement mis en œuvre dans l’organisation prise en exemple. Un (2) à côté d’un élément indique que celui-ci est partiellement défini avec une mise en œuvre modérée. Un (3) à côté d’un élément indique que celui-ci est mal défini et que sa mise en œuvre est limitée. La mention (S. O.) indique que l’élément ne s’applique pas à l’organisation en question.
Nous avons également créé une version image téléchargeable de la carte de pointage avec un code couleur indiquant l’état de chaque élément.
Structure : Rôles, comités et répartition de l’autorité
Stratégie Orientation et approche |
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Technologie Applications et infrastructure |
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Données Contenu et cartes |
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Prestation Services et opérations |
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Main-d’œuvre Personnes et compétences |
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Investissement Budget et ressources |
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Contrôles : Politiques, procédures, normes, plans et directives
Stratégie Orientation et approche |
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Technologie Applications et infrastructure |
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Données Contenu et cartes |
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Prestation Services et opérations |
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Main-d’œuvre Personnes et compétences |
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Investissement Budget et ressources |
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Processus : Activités de gestion et fonctions administratives
Stratégie Orientation et approche |
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Technologie Applications et infrastructure |
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Données Contenu et cartes |
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Prestation Services et opérations |
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Main-d’œuvre Personnes et compétences |
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Investissement Budget et ressources |
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Rendement : Système de mesures et de suivi
Stratégie Orientation et approche |
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Technologie Applications et infrastructure |
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Données Contenu et cartes |
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Prestation Services et opérations |
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Main-d’œuvre Personnes et compétences |
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Investissement Budget et ressources |
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Établir les priorités. Tout d’abord, examinez les six domaines de gouvernance. Lequel de ces domaines est une priorité pour vous? En général, il s’agit des domaines les plus préoccupants ou ceux qui présentent un problème important et potentiellement perturbateur. Réduisez votre sélection à un ou deux domaines qui vous serviront de point de départ. J’ai constaté que la plupart des organisations se concentrent d’emblée sur la gouvernance des données, en particulier sur l’établissement des contrôles relatifs à l’utilisation et la qualité des données. De nombreuses autres ajoutent certains aspects concernant la stratégie, les investissements et la gouvernance, comme établir un plan stratégique et rendre officielles des lignes directrices sur le financement.
Une fois que vous avez déterminé vos domaines d’intérêt, passez en revue les quatre volets de gouvernance (c’est-à-dire la structure, les contrôles, les processus et le rendement). Ensuite, indiquez les volets qui sont actuellement en place, ainsi que ceux qui ne le sont pas et dont vous estimez avoir un besoin urgent. De cette façon, vous dégagez les éléments essentiels du cadre pour créer la base de votre modèle de gouvernance initial.
Évaluer. L’étape suivante consiste à étudier la maturité relative de chaque volet prioritaire de la gouvernance. Pour ce faire, une échelle de maturité rigoureuse n’est pas nécessaire. Vous n’avez qu’à identifier les points forts et les faiblesses. Dans mon exemple, j’ai utilisé (1), (2) et (3) (rouge, jaune et vert dans la version image) pour illustrer ces points. Les points marqués d’un (3) sont la clé. Il s’agit de volets ayant un faible niveau de contrôle, des processus potentiellement irréguliers et des mesures de rendement limitées ou des droits de décision mal définis. Ce sont les lacunes à combler de la plus haute importance.
Planifier. Une fois l’évaluation terminée, vous élaborez votre plan d’action. En général, cela se fait en regroupant des composants de gouvernance similaires dans des projets que vous exécutez de manière séquentielle. La plupart des organisations commencent par les composants structurels. Il y a souvent une grande interdépendance entre les rôles et les comités impliqués dans votre structure de décision, donc un projet unique pour établir une structure de travail globale est un point de départ prudent. Ensuite, concentrez-vous sur les contrôles ou processus à plus haut risque. Il peut s’agir de l’élaboration de politiques en matière de sécurité des données ou de respect de la vie privée, ou de processus d’escalade pour résoudre les différends concernant l’accès aux données ou aux applications. Enfin, développez des mesures de performance et mettez en place des systèmes de suivi des rendements pour instancier une gestion mesurable au sein de votre modèle de gouvernance.
La gouvernance est un sujet complexe et à multiples facettes, trop vaste pour être couvert par un seul billet de blogue. Cependant, l’intention du précis de cadre de gouvernance présenté dans ce document est de vous fournir un point de départ pour établir les composantes clés du modèle de gouvernance de votre programme géospatial. Travaillez systématiquement sur le cadre, et n’ayez pas peur d’ajouter ou de compléter le cadre avec vos propres contrôles ou processus. Restez à l’écoute pour en savoir plus sur ce sujet à l’avenir.
Merci à Allen Williams pour sa précieuse contribution au cadre de gouvernance.
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Ce billet a été écrit en anglais par Matthew Lewin et peut être consulté ici.