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Christine Davidson, finaliste du prix Esri Young Scholar, étudie les paysages anciens avec les SIG

L’étude des paysages anciens ne viendra probablement pas à l’esprit de la plupart des gens comme raison d’apprendre à utiliser la technologie SIG. Pourtant, des outils logiciels comme ArcGIS Field Maps, ArcGIS Drone2Map et ArcGIS Pro peuvent servir à capturer, à traiter et à analyser les données issues des fouilles archéologiques. Christine Davidson, finaliste du concours Esri Young Scholars de cette année au Canada, a appris toute seule à utiliser les SIG. Elle travaille en collaboration avec Patrick DeLuca à l’Université McMaster dans le cadre de ses recherches doctorales en archéologie classique. Le travail consiste à documenter et à analyser le paysage entourant une colonie grecque antique en Italie du Sud.

Chaque année, les distributeurs d’Esri du monde entier désignent des étudiants de leurs pays respectifs comme candidats au prix Esri Young Scholars (EYS). Au Canada, les demandes de participation à l’EYS proviennent d’étudiants inscrits à divers programmes et dont les recherches portent sur des sujets très variés. Les projets soumis par les finalistes de cette année portent notamment sur la sécurité et la conception urbaines, l’hydrologie et la biologie marine, l’évaluation des risques d’incendie de forêt et les enquêtes historiques et archéologiques. Christine Davidson, candidate au doctorat en humanités classiques à l’Université McMaster, a présenté son projet sur l’interrelation des fermes et des sanctuaires aux environs de la ville antique de Métaponte en Italie. Ses recherches s’effectuent dans le cadre du projet archéologique portant sur Métaponte, qui est actuellement dirigé par les professeurs Spencer Pope (Université McMaster) et Sveva Savelli (Université St. Mary’s), auxquels se sont adjoints de nombreux collaborateurs internationaux. Tous s’emploient à enrichir l’archéologie traditionnelle avec des sondages par drone et des outils numériques de collecte de données sur le terrain. Les juges ont décerné à Christine la deuxième place au concours EYS.

J’ai contacté Christine par courriel pour savoir comment elle concilie les études du vieux monde et les technologies modernes.

Qu’est-ce qui vous a poussé à étudier l’archéologie classique?

Je crois que mon intérêt pour l’étude de l’histoire grecque et romaine a commencé dès le secondaire. J’étais fascinée par les mythes et les récits anciens. Dans ma jeunesse, j’étais passionnée par le genre fantastique, et je frissonnais de plaisir à lire le récit des vieilles théogonies d’il y a 2 500 ans et leurs parallèles avec les temps modernes. Mon intérêt pour l’archéologie est venu plus tard, lorsque j’ai eu la chance d’obtenir une bourse me permettant de me rendre en Grèce et d’y suivre des cours sur l’art et l’architecture antiques. Le fait de pouvoir soudainement s’engager physiquement dans un espace antique était quelque peu magique, et je me souviens être tombée profondément amoureuse du temple de Poséidon au cap Sounion, qui surplombe la mer Égée. Ce temple représente le premier point de repère construit par la main de l’homme que les marins de l’Antiquité voyaient à l’approche du sud de l’Attique. Je suis rentré chez moi avec un nouvel intérêt pour l’étude des espaces anciens et le besoin de poursuivre des études supérieures en archéologie classique.

Pour ceux qui n’ont pas étudié les humanités classiques et ne connaissent pas le terme, qu’est-ce qu’une théogonie?

La théogonie, c’est la généalogie des dieux. Les théogonies, ainsi que les cosmogonies gréco-romaines (qui expliquent la formation du cosmos et de l’univers), ont conduit à la création des mythes fondateurs des panthéons grecs et romains. Ces mythes disent quelque chose à tout le monde, même si c’est parfois très subtil. Autour de Métaponte, on trouve des traces d’orphisme (un culte ancien), par exemple, qui met l’accent sur la naissance du dieu Dionysos et porte le nom du célèbre musicien mythique Orphée, le protagoniste de mon mythe préféré. Il a tenté, sans succès, de sauver sa femme des enfers, et c’est ce mythe qui a inspiré l’intrigue de l’un de mes films préférés de mon enfance, Moulin Rouge. C’est ce genre de parallèles qui me fascine depuis le début de mon périple dans les humanités classiques.

Vous avez dit que vous avez appris à utiliser à la fois des logiciels libres et ArcGIS Pro pour votre recherche universitaire. Qu’est-ce qui est plus facile à utiliser pour les débutants?

L’interface utilisateur d’ArcGIS Pro est beaucoup plus conviviale pour les débutants que les autres programmes d’analyse spatiale que j’ai essayés. C’est peut-être en raison de la pléthore de tutoriels en ligne qui nous explique les outils en détail. Bien des développeurs de logiciels de source ouverte ne proposent pas ce type de ressources.

J’éprouve particulièrement de la reconnaissance quand je pense à ArcPy : cette solution m’a permis de répéter sur plusieurs ensembles de données uniques des processus comprenant un grand nombre d’étapes. De par leur nature, les études diachroniques impliquent que je doive effectuer des analyses identiques sur des sous-ensembles de données qui sont le résultat de requêtes temporelles, et pouvoir le faire au moyen d’un langage de programmation facile à apprendre m’a été d’une grande utilité. J’avais déjà eu affaire à Python lorsque j’étais assistante de recherche pendant mes études de premier cycle, et même cette exposition limitée m’a suffi pour saisir les principes fondamentaux d’ArcPy.

Quelles ressources avez-vous utilisées pour apprendre à utiliser ArcGIS? Avez-vous suivi des tutoriels ou des cours en ligne pour le plaisir, plutôt que pour le projet de Métaponte?

L’expérience que j’ai acquise en apprenant à utiliser le logiciel d’Esri a été très spécifique au contexte. Lorsque j’ai commencé, une grande partie de ma formation peut être attribuée à un spécialiste des SIG de notre projet, Patrick DeLuca, et à des essais et erreurs. J’ai effectué de nombreuses itérations de fichiers de projet au fur et à mesure que j’expérimentais différents outils de géotraitement. Par exemple, je calculais le changement d’altitude et le degré d’inclinaison de notre marche jusqu’à notre site d’excavation, simplement pour m’entraîner (et pour alimenter mes plaintes concernant les promenades matinales, accompagnées d’une analyse scientifique solide, bien sûr).

La plus grande ressource pour moi a été le site web d’ArcGIS et, pour commencer, sa page « Ressources ». J’ai lu de nombreuses pages d’aide qui expliquent chaque boîte à outils et chaque fonction et, surtout, qui fournissent la syntaxe nécessaire pour incorporer ces outils dans les scripts ArcPy. Chaque fois que j’arrivais à un aspect de ma recherche qui nécessitait l’utilisation d’un processus que je ne comprenais pas entièrement, j’étais généralement en mesure de trouver un tutoriel utile en ligne (par exemple, sur YouTube). C’est, je pense, l’un des principaux avantages de l’utilisation d’un logiciel dont la base d’utilisateurs est aussi importante et active.

Y a-t-il eu des possibilités de travail sur le terrain à Métaponte depuis le début de la pandémie? Des travaux sur le terrain sont-ils prévus cette année (ou l’année prochaine)? Si ce n’est pas le cas, cela a-t-il changé quelque chose pour vos recherches?

La pandémie a malheureusement eu pour conséquence d’annuler nos périodes de travaux sur le terrain en 2020 et 2021. Ce qui est remarquable, cependant, c’est que ces analyses basées sur les SIG sont peut-être les seuls aspects de notre sondage et de nos fouilles qui peuvent être réalisés à distance. Alors que nombre de mes collègues se sont heurtés à un manque d’accès aux matériaux archéologiques, j’ai eu la chance de pouvoir manipuler nos données de manière fructueuse outre-mer. Les entités topographiques qui représentent le cœur de ma recherche ont déjà été vérifiées à plusieurs reprises sur le terrain, et je peux donc me fier à l’exactitude de leurs représentations numériques. Nous prévoyons de revisiter Métaponte et de reprendre nos fouilles à Incoronata l’année prochaine (au printemps 2022), et j’ai bon espoir que nous serons en mesure d’effectuer une télédétection supplémentaire des zones d’intérêt décrites dans les recherches que j’ai effectuées pendant cette interruption.

Les fouilles archéologiques consistent à retirer lentement et soigneusement la terre d’un site et à enregistrer méticuleusement ce qui est trouvé et à quel endroit. Quelles technologies ont été utilisées pour aider à documenter les fouilles de Métaponte?

Les techniques de télédétection et de SIG en archéologie sont en pleine émergence à de nombreux sites classiques anciens. À Métaponte, les SIG s’utilisent depuis des décennies. Cela a commencé avec ArcMap, dans le cadre d’un projet consistant à enregistrer les sites repérés lors d’une étude de surface de la campagne entourant l’antique cité grecque. Plus récemment, des relevés géomagnétiques ont été effectués sur le site d’Incoronata (un sanctuaire particulièrement riche en offrandes votives) afin de repérer les zones qui donneraient les meilleurs matériaux lors des fouilles. Une fois le projet bien démarré, nous avons également documenté nos progrès à l’aide de la télédétection, en capturant des images à l’aide d’un drone quadrirotor et en créant un modèle numérique d’altitude et une orthomosaïque, qui seront compilés avec ceux des saisons futures pour créer un enregistrement 3D complet de notre avancement. Non seulement ces outils sont-ils utiles pour les analyses, mais ils sont incroyables pour ce qui est de présenter visuellement les efforts des participants à nos projets lors de conférences et de colloques. À bien des égards, nous sommes en mesure d’emporter notre travail à la maison, à un point que n’ont jamais connu les archéologues d’il y a 50 ans.

Compte tenu de son utilité pour repérer les sites de fouilles potentiels et documenter les fouilles en cours, pensez-vous que l’enseignement de l’archéologie devrait inclure des cours sur le travail avec la technologie?

Je suis une grande partisane de l’intégration des méthodologies numériques dans l’archéologie classique. C’est un phénomène que nous observons plus fréquemment dans l’enseignement de l’archéologie traditionnelle, mais moins dans l’archéologie classique, c’est-à-dire l’archéologie spécifiquement liée à la Grèce et à la Rome antiques. Les humanités classiques sont une discipline quelque peu isolée, et il n’est pas rare de voir des croisements limités entre les départements d’anthropologie (où l’on trouve généralement l’archéologie scientifique) et les humanités classiques, ces dernières mettant fortement l’accent sur la langue et la littérature anciennes (avec, bien sûr, des exceptions). Dans nos programmes (classiques), nous avons tendance à privilégier une compréhension globale de l’histoire grecque et romaine par rapport aux approches méthodologiques évolutives de la recherche sur la culture matérielle et les vestiges. J’aimerais voir une adaptabilité dans le choix de cours qui permette aux étudiants qui le souhaitent de se familiariser avec l’analyse numérique en archéologie, voire de suivre les cours d’une faculté de sciences de la terre qui enseigne la télédétection et les SIG. De nombreux programmes de premier cycle permettent déjà une telle polyvalence et appliquent même des exigences d’élargissement, ce qui permet aux étudiants en sciences humaines de suivre un ou deux cours en sciences pures. Je sais que j’ai certainement profité du fait d’avoir pu étudier l’informatique comme étudiante en humanités classique, et j’aimerais que cela soit également appliqué plus universellement aux études supérieures. J’ai la chance d’être dans un département favorable et progressiste qui me donne la liberté d’explorer ces approches de la recherche classique, et j’espère que d’autres se verront présenter de telles occasions à l’avenir. Tout cela pour dire que, oui! J’aimerais voir davantage d’approches interdisciplinaires dans l’étude de l’archéologie classique.

Je sais que je ne devrais pas demander ça, mais quand pensez-vous terminer votre doctorat? Quels sont vos projets (ou vos espoirs) après l’obtention de votre diplôme?

J’hésite à faire des prédictions définitives ici, mais j’espère avoir terminé ma thèse d’ici un an (bien que je sois sûre que tout étudiant diplômé, actuel ou ancien, comprendra que ces objectifs ne se réalisent pas toujours ou changent souvent). Une fois qu’elle aura été défendue, j’ai hâte d’obtenir des bourses postdoctorales et d’occuper des postes de recherche et d’enseignement dans le domaine de l’archéologie classique. Cependant, je suis tout aussi intéressée par les carrières en dehors du milieu universitaire, et j’adore chercher des occasions d’appliquer à des domaines nouveaux et inattendus certaines des compétences que j’ai acquises le long de mes études supérieures. Peut-être même une carrière dans l’analyse géospatiale! Le temps nous le dira.

Ce billet a été écrit en anglais par Krista Amolins et peut être consulté ici.