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Le calcul économique simple de la technologie géospatiale moderne

Il est intéressant de souligner que les grands succès technologiques des dernières décennies ont tous un avantage économique en commun : ils rendent une activité importante moins coûteuse.

Prenez l’Internet. Malgré son statut de technologie la plus transformatrice de notre époque, l’Internet offre un avantage économique tout simple : il rend la recherche d’information et les communications moins coûteuses. L’intelligence artificielle, la technologie incontournable de nos jours, a une incidence tout aussi simple sur le plan économique : elle réduit le coût de la prévision et du diagnostic. Et même si les chaînes de blocs sont encore une technologie émergente, leurs répercussions économiques sont claires : elles réduisent les coûts de vérification des transactions et le coût de fonctionnement d’un marché, et ce, sans autorité centrale.

Le bon marché stimule la demande. Le bon marché crée des occasions. L’économie nous dit que lorsque le prix d’un bien ou d’un service baisse, nous avons tendance à en faire davantage usage. Et si ce bien ou ce service est particulièrement utile pour la société ou les entreprises, il peut avoir un impact considérable. C’est pourquoi comprendre les facteurs économiques de base d’une technologie est une excellente façon de couper court au battage qui l’entoure. Cette compréhension permet de distiller la proposition de valeur de la technologie pour en obtenir l’essence et de préciser son incidence sur les personnes et les organisations, aujourd’hui et dans les années à venir.

C’est dans cette optique que j’examine la technologie géospatiale. Nous assistons aujourd’hui à une explosion de l’intérêt envers les cartes numériques et l’analyse spatiale. Il suffit de voir la prolifération des tableaux de bord basés sur des cartes et des applications de recherche de contacts qui ont fait surface en réponse à la COVID-19. Mais au-delà du battage médiatique induit par la pandémie, il existe actuellement un véritable regain d’intérêt pour la technologie géospatiale. En fait, un rapport récent a noté que la moitié des organisations la considèrent comme un outil essentiel ou très important dans leurs activités. Le marché de la cartographie mobile, par exemple, a connu une croissance particulièrement forte et devrait croître de 15 % par an pour atteindre plus de 40 milliards de dollars d’ici 2024. Et ce n’est qu’un segment de l’industrie géospatiale!

Cette situation soulève la question suivante : quels sont les facteurs économiques qui sous-tendent la croissance? Quelle activité ou capacité utile la technologie géospatiale rend-elle moins coûteuse? Et quelles sont les implications pour les personnes et les organisations?

Coût de la notion d’espace

La technologie géospatiale est un terme fourre-tout qui désigne l’ensemble des outils modernes de cartographie et d’analyse spatiale. Il s’agit notamment de technologies établies comme les SIG, le GPS, le GNSS et la télédétection, ainsi que de la nouvelle vague de technologies numériques qui collectent, consomment et traitent des données géoréférencées. Étant donné qu’entre 60 % et 80 % de toutes les données contiennent un élément spatial, l’étendue de la technologie géospatiale est vaste.

L’idée principale est que, dans l’ensemble, la technologie géospatiale fournit quelque chose d’assez simple : la conscience spatiale. Elle aide les gens à comprendre où les choses se passent, où elles pourraient se passer ensuite et pourquoi elles se passent là où elles se passent.

Sur le plan personnel, la conscience spatiale est évidemment importante. Nous avons tous besoin d’un certain niveau de compréhension géographique pour participer à la société et vaquer à nos occupations quotidiennes. Qu’il s’agisse de se rendre au travail, de décider où vivre ou de détecter des dangers potentiels, la conscience spatiale est une capacité précieuse.

Pour les organisations, cependant, elle revêt une tout autre importance. Les intérêts et les actifs de pratiquement toutes les organisations varient considérablement en fonction du lieu. Qu’il s’agisse des habitudes de consommation des clients ou des itinéraires d’expédition, les facteurs qui influent sur le sort d’une entreprise diffèrent en nature et en complexité d’un endroit à l’autre. La conscience spatiale est essentielle à la viabilité et à la durabilité de toute organisation... et de toute ou société, d’ailleurs.

Sans technologie, la conscience spatiale est pour le moins difficile. L’effort manuel requis pour compiler l’information sur les clients, les concurrents, les fournisseurs, la société et l’environnement, puis pour analyser et cartographier les relations spatiales qui les unissent est ardu, compliqué et chronophage. Tout cela pour dire que c’est très coûteux. La technologie géospatiale permet de surmonter cet obstacle.

En termes économiques simples, la technologie géospatiale rend la conscience spatiale moins coûteuse.

Facteurs de coût : données et apprentissage automatique

Avant de parler de l’importance d’une conscience spatiale bon marché, il est important de comprendre ce qui motive la récente augmentation de la demande. La technologie géospatiale existe depuis longtemps. Cette hausse suggère donc que certaines récentes avancées accélèrent la baisse du coût de la conscience spatiale. En fait, c’est exactement ce qui se produit, et deux nouveaux développements sortent du lot : l’explosion des données spatiales accessibles et la montée de l’apprentissage automatique.

Le rythme actuel de création de données par l’humanité est stupéfiant. Selon certaines projections, nous doublons la quantité mondiale de données tous les deux ans et d’ici 2025, nous pourrions les doubler toutes les 12 heures! C’est une quantité ahurissante d’information, et comme nous l’avons déjà dit, la majorité est d’ordre spatial. Plusieurs facteurs contribuent à cette croissance :

  • Les progrès réalisés dans les méthodes traditionnelles d’acquisition de données spatiales telles que les images satellitaires, la photographie aérienne, l’arpentage et la télédétection
  • Les innovations dans les nouvelles technologies de collecte de données telles que les drones et les localisateurs de véhicules
  • La croissance de la technologie de capteurs sur place (l’Internet des objets)
  • Un afflux massif de données participatives générées par des solutions de cartographie mobile et des applications de médias sociaux (y compris des photos, des vidéos et des messages texte géoréférencés)
  • L’émergence de plateformes de données ouvertes provenant d’organismes gouvernementaux et d’entreprises; ces plateformes permettent la création et le partage de données spatiales brutes ainsi que la création d’ouvrages dérivés, comme des cartes thématiques et des tableaux de bord d’analyse, qui deviennent eux-mêmes des sources de données spatiales

L’effet net est que, à volume égal, l’accès aux données spatiales est plus facile et moins coûteux que jamais. Et sur cette seule base, nous voyons les gens et les entreprises en tirer profit. Mais les données ne sont qu’une partie de l’équation. L’autre aspect concerne la manière dont les données spatiales sont analysées. C’est là que l’IA et l’apprentissage automatique entrent en jeu.

L’apprentissage automatique permet de contourner le problème du facteur humain dans l’analyse. Je ne dis pas cela pour paraître désinvolte à propos des capacités humaines, mais certains aspects de l’analyse spatiale sont insolubles – en particulier la sélection des variables. L’apprentissage automatique utilise des techniques de prédiction pour recenser les variables les plus pertinentes à inclure dans le modèle qu’il conçoit. Pour ce faire, elle examine la mesure dans laquelle les variables produisent un résultat attendu dérivé d’un ensemble de données d’apprentissage. Un bon exemple est la façon dont les compagnies d’assurance utilisent l’apprentissage automatique pour identifier les propriétés endommagées par les tempêtes. Le modèle d’apprentissage automatique est alimenté par une série d’ensembles de données contenant des images de propriétés endommagées et non endommagées. L’IA élabore ensuite un modèle de reconnaissance des tendances composé de variables de son choix. Et à partir de ce modèle, l’IA prédit les propriétés qui semblent endommagées et celles qui ne le sont pas. Pour un humain, cela prendrait beaucoup de temps. L’IA fait de ce processus un jeu d’enfant, et l’analyse qui en résulte est généralement beaucoup plus précise.

Et lorsque vous rassemblez ces deux avancées – des données spatiales plus facilement accessibles et une analyse spatiale moins coûteuse et plus rapide fondées sur l’IA –, vous obtenez une meilleure conscience spatiale à un meilleur prix.

Implications pour les personnes et les organisations

Que signifie une conscience spatiale moins coûteuse pour les personnes et les organisations? Lorsqu’un bien ou un service utile devient moins coûteux, l’économie nous dit que deux choses se produisent : 1) les gens commencent à l’utiliser de manière non traditionnelle, et 2) la valeur d’autres facteurs change également, selon leur caractère complémentaire ou substitutif. (Regardez cette excellente présentation pour comprendre ce concept plus en détail.)

Le rôle élargi de la conscience spatiale

À mesure que les nouvelles techniques d’apprentissage automatique et les données spatiales omniprésentes réduiront les obstacles à la conscience spatiale, nous commencerons à constater une application plus approfondie de la géographie aux problèmes de longue date. Prenons le mouvement humain. Il est notoirement difficile de comprendre pourquoi les gens se déplacent d’un endroit à l’autre. Une grande partie de cette compréhension dépend de l’échelle – nous intéressons-nous aux mouvements localisés à court terme ou aux modèles de migration régionale à plus long terme? Dans les deux cas, les facteurs de motivation sont variés et complexes. C’est pourquoi il est si difficile de prévoir où les gens se rendront.

Récemment, nous avons constaté des progrès aux deux échelles. À l’échelle locale, des chercheurs ont élaboré des modèles d’IA spatiale permettant de surveiller les caméras de rue et de régler les feux de circulation afin de disperser les foules après des événements publics. Les méthodes traditionnelles de planification des itinéraires de sortie sont alourdies par la volonté de tenir compte de toutes les raisons possibles pour lesquelles les gens vont dans une direction ou une autre, et les tactiques de contrôle des foules sur le terrain peuvent être inefficaces et rapidement dépassées. La nouvelle approche analyse la vidéo en temps réel pour détecter les zones où se forment les foules et prédire les itinéraires qui permettraient de réduire au mieux les embouteillages. Les contrôleurs peuvent alors régler les feux de circulation en conséquence. L’IA procure une conscience spatiale beaucoup plus dynamique et favorise activement la sécurité publique.

À l’échelle mondiale, des chercheurs ont, pour la première fois, mis au point des modèles qui prédisent les tendances de migration internationale résultant de la pauvreté due au changement climatique. Les modèles ont intégré des facteurs environnementaux, socioéconomiques et politiques dans différents scénarios climatiques qui pourraient affecter des régions d’Amérique centrale. Parmi ces facteurs, mentionnons les concentrations de carbone, le PIB et la gestion des frontières. Plus de 10 milliards de points de données ont été transmis à un superordinateur, qui a élaboré des prévisions sur la manière dont différentes populations réagiraient à divers scénarios de changement climatique. Les modèles ont été comparés aux tendances de migration historiques pour en vérifier et augmenter la précision. Le résultat? Cinq projections de migration qui illustrent l’impact profond du changement climatique sur la migration des populations, en particulier la manière dont il pourrait entraîner le déplacement d’énormes populations au cours des 50 prochaines années. Dans le passé, de telles projections étaient impossibles compte tenu du coût de la collecte et du traitement des données ainsi que de la relative immaturité des algorithmes de modélisation spatiale. En bref, le prix de la conscience spatiale était tout simplement trop élevé. À l’avenir, il est presque certain que nous serons témoins d’autres percées similaires.

Compléments et substituts

Lorsque le coût de quelque chose d’important comme la conscience spatiale change, l’économie nous dit que la valeur de ses compléments et de ses substituts change également.

Les compléments sont des biens ou des services qui font l’objet d’une demande conjointe. En général, lorsque la demande pour une chose augmente, la demande pour son complément augmente également. Pensez à la façon dont les applications gagnent en popularité en conjonction avec l’essor des téléphones intelligents, ou à la manière dont la demande de sauce pour pâtes augmente lorsque la demande pour les pâtes elles-mêmes augmente.

Un complément évident à la conscience spatiale fondée sur l’IA est la capacité de jugement nécessaire pour capitaliser sur l’analyse qu’elle génère. À l’avenir, des activités telles que la visualisation cartographique sophistiquée, la géoconception, l’assurance de la qualité des données et la narration spatiale seront très recherchées à mesure que les organisations tireront parti d’une meilleure conscience spatiale pour prendre des décisions éclairées. On assistera également à une hausse de la demande pour des applications reposant sur des facteurs éthiques, la justice sociale et l’analyse de l’impact économique, qui nécessitent un examen approfondi des relations subtiles relevant actuellement du domaine de la cognition humaine.

D’autre part, la demande pour certaines activités diminuera presque certainement à mesure que l’analyse et le traitement automatiques des données gagneront en popularité. Ce sont, dans le langage économique, des substituts. Avec l’évolution de la technologie géospatiale, nous assisterons probablement à un déclin des rôles auxquels le modèle fondé sur l’IA peut facilement se substituer. On parle notamment de tâches manuelles exigeantes en main-d’œuvre, comme la collecte de données sur le terrain et la production de cartes de base, ainsi que d’analyses spatiales rendues plus efficaces par l’apprentissage automatique. Essentiellement, toute activité dans un flux de travaux spatial qui ne nécessite pas de raisonnement humain est susceptible d’être exécutée par l’IA.

Comprendre l’économie de la technologie géospatiale n’équivaut pas à posséder une boule de cristal, mais cela permet de mettre en évidence certaines implications possibles. Plus précisément, la disponibilité croissante des données spatiales ainsi que la rapidité et la précision de l’apprentissage automatique vont considérablement améliorer la veille géographique des organisations, qui profiteront ainsi d’une compréhension bien plus riche de leur dynamique opérationnelle. Et à son tour, la demande pour des compétences et des outils qui aident les dirigeants à élaborer des stratégies opérationnelles reflétant mieux la réalité spatiale augmentera. C’est une période passionnante pour l’industrie géospatiale. Le mieux est d’éviter le battage et de se préparer.

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Ce billet de blogue a été publié (en anglais) à l’origine sur la page de l’auteur sur LinkedIn.

Ce billet a été écrit en anglais par Matthew Lewin et peut être consulté ici.